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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/48

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LE NAIN NOIR

Bientôt, malgré l’impatience dont il était tourmenté, il eut le temps de réfléchir sur la manière dont il devait parler au Nain. Quoique vif et franc, comme la plupart de ses compatriotes, il ne manquait pas de cette adresse qui est aussi un de leurs traits caractéristiques. D’après la conduite de cet être mystérieux, il prévit que les menaces et la violence n’obtiendraient rien de lui.

— Je lui parlerai avec douceur, pensa-t-il. On a beau dire qu’il est ligué avec Satan, il faudrait qu’il fût pire qu’un diable pour ne pas avoir pitié de ma position. D’ailleurs, il a plus d’une fois rendu service au pauvre monde. J’aurai donc soin de me modérer, et si je n’en tire rien par la douceur, je serai toujours à temps de lui tordre le cou.

C’est dans ses dispositions qu’Hobbie s’approcha de la chaumière du solitaire. Elshie n’était pas sur son siège d’audience, et il ne put le découvrir dans son jardin ni dans son enclos.

Élevant la voix, et du ton le plus suppliant qu’il lui fut possible de prendre : — Mon bon ami Elshie ! cria-t-il… Point de réponse…

— Bon père Elshie !… Même silence. — Que le diable emporte ta chienne de carcasse ! dit-il entre ses dents… Mon bon Elshie, n’accorderez-vous pas un mot d’avis au plus malheureux des hommes ?

— Croyez-vous m’apprendre une nouvelle ? avez-vous oublié ce que je vous ai dit ce matin ?

— Non, Elshie ; et c’est parce que je m’en souviens que je reviens vous voir. Celui qui a si bien connu le mal doit être capable d’indiquer le remède.

— Il n’y a point de remède aux maux de ce monde. Si j’en connaissais un, je commencerais par l’employer pour moi-même… N’ai-je pas perdu une fortune, un rang auprès duquel ta condition n’est que celle du dernier paysan ? Je vis ici comme le rebut de la nature. Pourquoi d’autres vermisseaux se plaindraient-ils d’être foulés aux pieds de la destinée, quand moi-même je me trouve écrasé sous la roue de son char ?

— Vous pouvez avoir tout perdu, mais vous n’avez jamais éprouvé un chagrin comme le mien : jamais vous n’avez perdu Grace Armstrong.

Ces paroles furent prononcées avec la plus vive émotion ; puis, comme si elles avaient épuisé ses forces, Hobbie garda le silence. Avant qu’il eût pu reprendre assez de résolution pour adresser au Nain de nouvelles prières, le bras nerveux de celui-ci se montra à la lucarne, un gros sac de cuir à la main.

— Tiens, voilà le baume qui guérit tous les maux des hommes, dit Elshie en le laissant tomber. Du moins, c’est ainsi qu’ils le pensent. Te voilà deux fois plus riche que tu ne l’étais hier. Ne