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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/58

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LE NAIN NOIR.

de ne pas avancer davantage avant d’avoir vu la fin de cette scène extraordinaire. Il n’attendit pas longtemps : Elshie retourna vers sa chaumière ; Hobbie le suivit des yeux, et chercha ensuite la seconde figure, mais elle avait disparu.

Il se remit en marche, et il n’était plus éloigné que d’une vingtaine de pas, quand il aperçut dans une touffe de bruyère, précisément à l’endroit où il avait vu la seconde figure un moment avant qu’elle disparût, un corps long et noir, semblable à un chien qui se tient tapi. — Je ne lui ai jamais vu de chien, dit-il ; c’est trop petit pour être un blaireau ; ce pourrait bien être une loutre ; mais qui sait les formes que les esprits peuvent prendre pour vous effrayer ? Quand je serai tout auprès, cela se changera peut-être en lion, en crocodile.

Hobbie mit pied à terre, et, tenant d’une main la bride de son cheval, il lança prudemment une pierre contre l’objet qui l’inquiétait, mais cet objet resta dans le même état d’immobilité. — Ce n’est pas une créature vivante, dit-il ; — et, reprenant courage, il fit encore quelques pas. Le soleil, qui commençait à paraître sur l’horizon, rendit enfin les objets plus distincts. — Dieu me pardonne, reprit-il, voici le sac qu’Elshie m’a jeté hier par sa lucarne ! — Il s’en approcha sans hésiter davantage, l’ouvrit, et l’or qu’il contenait lui parut de bon aloi. — Que Dieu me protège ! continua-t-il, flottant entre le désir de profiter d’un secours si nécessaire à sa situation, et la crainte de compromettre son salut éternel en se servant d’un argent qui lui arrivait par une voie si suspecte. — Au bout du compte, je me conduirai toujours en honnête homme, et, arrive que pourra, je ne dois pas laisser ma famille mourir de faim.

Il renoua les cordons du sac, le mit sur son cheval, s’avança vers la chaumière, et y frappa plusieurs fois sans recevoir de réponse. — Elshie, cria-t-il enfin ? J’ai quelque chose à vous dire, et bien des remerciements à vous faire. Vous ne m’avez pas trompé : j’ai retrouvé Grace saine et sauve. — Ne voulez-vous pas venir un instant ? — Eh bien, je suppose que vous m’entendez, quoique vous ne me répondiez pas. — Pensez donc que si je me faisais soldat, il serait bien dur pour Grace et pour moi d’attendre peut-être des années avant de nous marier ; si mes frères partent aussi, qui est-ce qui aura soin de ma vieille mère et de mes sœurs ? De manière que j’ai pensé que le mieux… Mais je ne puis me décider à demander un service à quelqu’un qui ne veut pas seulement me dire s’il m’entend.

— Dis ce que tu veux, et laisse-moi en repos.

— Eh bien, puisque vous m’écoutez, j’aurai fini en deux mots.