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Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/98

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LE NAIN NOIR

mon domaine d’Ellieslaw. Les prétendus services de sir Édouard n’avaient donc pour but que de se rendre maître de mes affaires et de me ruiner quand il le jugerait convenable. Un tel projet me dispense, je crois, de toute reconnaissance envers lui.

« Dans le cours de l’automne dernier, M. Ratcliffe me fit l’honneur de prendre ma maison pour la sienne, sans m’en donner d’autre motif, sinon que telle était la volonté de sir Édouard. Je n’en ai appris qu’aujourd’hui la véritable cause. Il alla voir sir Édouard presque tous les jours ; il l’aida dans le ridicule projet de se construire lui-même un ermitage. Un souterrain, qu’ils creusèrent, servait à cacher Ratcliffe lorsque quelqu’un paraissait tandis qu’il était avec son maître.

« Vous penserez sans doute comme moi, qu’un pareil mystère devait cacher un intérêt puissant.

« Il me fait un crime d’avoir voulu vous marier à sir Frédéric. Et cependant, quoiqu’il ait tardé si longtemps à me faire connaître ses désirs, je n’ai pas le dessein d’y opposer mon autorité. Il souhaite que vous preniez pour époux le dernier homme sur lequel j’aurais cru qu’il pût jeter les yeux, le jeune Earnscliff : j’y donne mon consentement, pourvu que vous n’y refusiez pas le vôtre. Je vous confie donc, ma chère Isabelle, à la Providence.

« M. Ratcliffe m’a annoncé que l’intention de sir Édouard était aussi de me faire le paiement annuel d’une somme considérable pour assurer mon existence en pays étranger ; mais je suis trop fier pour rien accepter de lui. J’ai répondu que j’avais une fille affectionnée, et que j’étais sûr qu’elle ne souffrirait jamais que son père vécût dans la pauvreté, tandis qu’elle-même serait dans l’opulence.

« Je dois maintenant vous prévenir que, quoique j’aie fort à me plaindre de M. Ratcliffe, je ne l’en regarde pas moins comme un homme aussi intègre qu’éclairé ; je crois donc que vous ferez bien de lui confier le soin de vos affaires ; ce sera d’ailleurs un moyen de vous conserver la bienveillance de sir Édouard.

Richard Vere. »

Cette épître contient toutes les lumières que nous ayons pu nous procurer sur les événements antérieurs à l’époque où a commencé notre narration.

Quand Isabelle eut pris lecture de la lettre de son père, elle demanda à le voir ; mais elle apprit qu’il était parti de très bonne heure, après une longue conférence avec M. Ratcliffe, pour se rendre dans un port voisin, et de là passer sur le continent.