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Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/107

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impuissance pour en sortir, soit par le méprit qu’elle porte les autres à faire de nous. Dans un lieu où tous également manqueroient des choses du luxe, et même des commodités arbitraires de la vie, mais ne compareroient pas leur situation avec celle des étrangers, il y auroit, si l’on veut, une pauvreté absolue ; mais comme il n’y en auroit point une relative, on n’y seroit pas misérable ; car la misère n’est[1] que dans un dénuement relatif, abject et contraint, qui avilit l’homme en le mettant tristement et malgré lui au-dessous de ses semblables et dans leur dépendance.

L’homme simple possède seulement ce que la nature lui donne, mais il est heureux de cette simplicité même, dans laquelle il ignore,

  1. Imaginez un homme robuste comme les hommes devraient l’être, qui n’ait nuls besoins d’opinion, qui possède uniquement un toit, une source et des fruits sauvages, dont le cœur soit simple et le corps occupé ; cet homme ne sera pas misérable.

    Le plus indigent montagnard ne l’est pas dans des lieux où sa pauvreté ne sauroit le faire dépendre, parce que tous sont pauvres comme lui, ni, par la même raison, l’avilir à ses propres yeux, ou lui être pénible par aucune des causes qui dépendent de l’opinion.