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Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/152

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cœurs l’espoir d’obtenir des jouissances nouvelles. De plus, les arts et les autres connoissances étoient la plupart susceptibles de marcher à pas lents, soit par leur nature même, soit parce que les premières sociétés avoient un besoin moins impérieux d’en faire usage, soit parce que, dans ces arts positifs, il falloit nécessairement découvrir des vérités pour obtenir des résultats. Au contraire, dans la morale et les lois, l’on pouvoit s’avancer rapidement sans rien connoître, s’égarer long-tems avant de le soupçonner ; et le premier inconsidéré pouvoit, comme le plus profond politique, proposer des conventions et donner des préceptes. Il falloit même les adopter quels qu’ils fussent : parce que l’on ne pouvoit s’en passer, on ne s’arrêta pas à en chercher de bons ; et parce que leur objet même exigeoit qu’ils fussent vénérés et inviolables, on s’attacha moins encore à les réformer[1]. Plusieurs autres causes ont concouru à ce malheur presqu’inévitable, et nous voyons les phi-

  1. C’est par ces sortes de raisons qu’il y a moins de connoissance du cœur humain dans nos livres d’histoire et de morale que dans nos drames, et surtout bien moins dans nos institutions que dans quelques-uns de nos romans ? en petit nombre à la vérité.