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Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/201

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s’évanouir cette liberté politique dont le droit les trompe et dont ils montrent avec un si puéril enthousiasme la pompeuse et vaine image. C’est ainsi que l’Orient, fatigué d’une lutte sans objet, dut s’endormir sous le joug dans les tems antiques où son luxe croissant étouffa la liberté dans les cœurs amollis, et c’est ainsi que la terre entière, asservie par ses mœurs factices, devint le déplorable jouet des imposteurs et des despotes.

Tout pays policé renferme deux classes d’hommes. L’une s’instruit et raisonne, l’autre vit dans l’inscience. La première sera toujours estimée par cela seul qu’il est de sa nature de mépriser l’autre. Elle dominera toujours ; elle a pour cela des moyens irrésistibles, du moins dans leur durée. Si la seconde, qui ne conserve d’autre avantage que la force directe, parvient à s’élever un moment, elle se lassera bientôt elle-même des caprices et des inepties de son autorité dans un ordre de choses étranger à ses besoins, et qu’elle ne connoissoit que par d’envieux désirs. Elle ne sauroit tarder de se livrer à l’adresse des factieux, pour qui elle va s’enthousiasmer parce que son inexpérience a besoin d’être guidée, et qui bientôt forts par elle, mais non plus pour elle, la joueront en