Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/210

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bitude des besoins quelle s’est fait, par la nécessité des choses, ou par sa propre déviation, tenteroit vainement de se régénérer ; elle ne peut attendre qu’une amélioration partielle et assez illusoire ; il lui faut une législation ordinaire, une police et des maîtres.

Et qu’on ne dise pas qu’un grand peuple ne pourroit subsister sans commerce ; car, pourquoi faut-il qu’un grand peuple change ce qui lui est nécessaire pour ce qui lui est inutile ; ou un superflu qu’il falloit négliger, pour un superflu qu’il attire à grands frais.

Que l’on ne dise pas que le commerce rapproche les peuples, car il isole les citoyens y et la désunion dans la cité est plus funeste encore que la désunion entre les peuples. Que l’on ne dise point qu’il civilise les nations barbares ; car, lorsque je l’interdis aux peuples simples, je ne nie pas que quelques hordes féroces ne puissent être adoucies par la communication ; et gagner ainsi par le commerce, jusqu’au point où elles seront dignes de n’avoir plus qu’à perdre par lui. S’il adoucit les mœurs, il les corrompt ; s’il rend les hommes plus lians, il les rend moins sociables ; s’il empêche quelquefois le brigandage ouvert, il lui substitue toujours les tromperies cachées ; s’il fait