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Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/291

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conclure froidement que toute recherche pour améliorer son sort n’est qu’un rêve inutile. Conclusion désespérante d’une législation stérile et orgueilleuse ! parce que vous n’avez su nous rendre bons, vous affirmez que nous ne pouvons l’être ; vous nous calomniez pour vous justifier ; vous attribuez à la nature les vices de vos institutions ; en irritant nos passions, vous niez qu’elles puissent être réprimées ; quand vous avez altéré la nature, vous dites, voilà ses lois ; en nous façonnant pour vos vues secrètes, vous nous accusez de ne pouvoir être formés au bien général ; vous nous montrez les peuples dociles et malheureux, et vous nous dites, ils sont faits pour dépendre et souffrir ; vous nous montrez vos sujets, et vous dites !, voilà les hommes.

Sont-ils donc par-tout semblables ? ou s’ils peuvent recevoir tant de formes diverses, n’y a-t-il que les bonnes qui leur soient refusées ? À la vérité, dites vous, tous les peuples diffèrent ; mais cette différence n’est autre qu’une variation dans le mal même ; et ce que l’on voudroit réformer est tellement naturel à l’espèce humaine, que par-tout l’on trouve à peu près les mêmes choses quoique sous d’autres formes. Mais cette mutabilité de l’homme