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DIX-SEPTIÈME RÊVERIE.



S’il m’étoit donné de déterminer mon sort, de choisir entre les possibles de la vie pour me composer une félicité réelle avec moins d’effort que les hommes n’en mettent à imaginer de nouvelles misères ; non, je ne vous envierois pas, tristes grandeurs, richesses inutiles, vanités des plaisirs. De trop vastes possessions absorberoient mes heures dans l’importunité de leurs soins comment seroient-elles des biens, je dépendrois d’elles ? Voudrois-je tenir en mes mains la chaîne fastueuse du pouvoir ; c’est sur moi que peseroit son plus grand effort. Livrerois-je mes jours au délire trompeur de la volupté ; elle efface la jouissance actuelle par l’illusion d’une attente plus grande ; dans l’inquiétude d’un désir plus ardent, elle fait mépriser un désir satisfait ; et détruit tout ce qu’elle laisse essayer, en