Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/37

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d’un frémissement de mort. Comme tout génie, toute vertu se sèchent et s’éteignent dans sa froide horreur ! elle opprime, elle serre le cœur, elle atterre.

Tel est le délire de l’extension ; telle est la séduction de cette sorte d’ivresse et son retour navrant.

Homme trompé, tes misères sont de toi seul. Rien n’est contradictoire, rien n’est injuste ; bien plus, rien n’est misérable dans tes destins mortels. Tu te plains de la nature, homme aveugle, elle ne peut rien contre toi, elle ne peut rien pour toi ; toujours indifférente et toujours nécessaire, elle te forme et te détruit dans ses mutations irrésistibles. Tu es foible pour les jouissances, tu es donc limité pour les douleurs. Demain tu ne seras plus : qu’importe, en vis-tu moins aujourd’hui ? ou quand tu seras dissous, sera-ce un mal ? Insensible, ne seras-tu pas impassible ? As-tu gémi de n’être pas né ? Tes rêves avides ont seuls fatigué ton cœur périssable par le délire des vœux immortels. Abandonne une résistance, et si fatigante et si vaine ; plus sage et plus heureux, livre-toi doucement à l’irrévocable nécessité. Tes vœux n’arrêteront pas tes destins ; laisse donc tes destins entraîner ta volonté pai-