Aller au contenu

Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 31 )

féconde la terre ou que le bronze vomisse la mort ? Qu’importent et les vertus et les joies des mortels, et leurs douleurs ou leurs crimes, et leurs amours ou leurs fureurs ? La même cité nourrit le Décius qui s’immole à son salut, et le Néron qui la livre aux flammes et aux bourreaux. La même terre contient les vergers heureux et les volcans dévastateurs. Le scélérat triomphe, le héros meurt ; le verger s’épuise, le volcan s’éteint ; une même ruine dévore et l’animé et l’inanimé ensevelis dans un même oubli ; et dans un monde renouvelé, il ne subsiste nulle trace de ce qui fut abhorré ou divinisé dans un monde effacé.

L’homme se forme, s’anime, se perpétue, languit et meurt ; l’herbe germe, se développe, fructifie, se flétrit, se corrompt. Ainsi commencent et finissent toutes choses ; ainsi, les globes se forment, s’embrasent, se fécondent : puis, refroidis et stérilisés, sont dissous pour servir à la formation nouvelle des mondes qui, comme eux, doivent s’animer et s’éteindre. Une même fécondité produira l’insecte d’un jour et l’astre de mille siècles ; une même nécessité décomposera pour jamais et ce ver éphémère et ce soleil passager comme lui.

Tout corps est composé ; toute agrégation