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Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/48

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apparente, parce que ce qui n’est pas produit ne peut encore être connu.

Si l’homme, en imprimant un mouvement, n’est jamais que cause seconde et réactive, il se croit souvent cause première, parce qu’il n’a pas le sentiment distinct de la cause antérieure[1].

  1. Notre volonté ne peut être une cause indépendante ; notre action ne peut être une impulsion libre dont le principe soit en nous ; mais notre volonté, effet nécessaire de causes précédentes, devient cause nécessaire des accidens qui naîtront d’elle, et le mouvement que nous imprimons aux êtres extérieurs nous paroît libre, parce que, plusieurs corps étrangers étant de nature à le recevoir de nous, nous ignorons la loi non sentie qui nous a forcé à vouloir toucher celui-ci et non celui-là. La volonté de faire tel mouvement, n’est que le sentiment de la réaction qui part de nous comme la réflexion d’un corps part du corps placé à l’angle d’incidence.

    Puisque nous ne pouvons être impassibles, nous ne pouvons être inactifs ; il faut que le mouvement reçu soit rendu : contraints à sentir, nous le sommes à vouloir. Nous croirons toujours choisir, vouloir, agir librement, parce que nous ignorerons toujours les lois déterminantes dont nos organes n’ont pas le sentiment. Moyens occasionnels de réaction, nous ne sommes causes que parce que nous sommes effets, nous ne sommes actifs que de l’action reçue passi-