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Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/244

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lecteurs que cette marche funèbre « offre comme un profil complet de toute l’existence du héros et ces motifs, si admirablement reliés ensemble, ne sont que de courts rappels de mélodies déjà entendues dans les situations principales de la Tétralogie où avait paru Siegfried. »

Mais qu’une bande de siffleurs, pour s’être trop souvenus des révélations de M. Victor Tissot[1], aient, avant le premier accord, intimidé l’orchestre de M. Pasdeloup, par une manifestation soi-disant patriotique préparée à l’avance ; que, le morceau fini, le tapage ait recommencé avec plus d’énergie, au point d’étouffer la voix de M. Pasdeloup, qui réclamait de son auditoire un peu de déférence pour l’artiste ; que les manifestants, emportés par l’ardeur de leur opposition systématique, aient chuté l’ouverture du Freischütz, croyant que l’orchestre reprenait la marche funèbre, c’est ce qui, aujourd’hui, paraît incompréhensible. C’est incroyable et cependant absolument exact[2].

  1. On vendait ce jour-là sur le boulevard des Filles-du-Calvaire, un supplément du journal l’Éclipse, intitulé : Richard Wagner et les Parisiens, orné d’un portrait-charge de Wagner, par A. Gill et contenant la traduction complète de la pièce satirique : Une Capitulation. Cette traduction, non signée, était de M. Victor Tissot. Une brochure in-8o de 16 pages.
  2. J’ai vu d’ailleurs le même fait se reproduire au Châtelet bien des années après. Le 25 février 1883, M. Colonne avait inscrit sur son programme un grand nombre de morceaux de Wagner. L’enthousiasme allait bon train quand, après le prélude de Parsifal, les bis provoquèrent un tumulte de hurlements et de sifflets si violents que beaucoup de personnes s’imaginèrent entendre recommencer le prélude mystique, alors que l’orchestre sonnait déjà les fanfares éclatantes de la Chevauchée des Walkyries.