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Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/326

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tation de Lohengrin, sous prétexte que les œuvres de ces compositeurs reçoivent de l’autre côté du Rhin une large hospitalité, M. Saint-Saëns affirma que le bienveillant accueil de l’Allemagne à l’égard de quelques musiciens français n’est pas comparable à l’engouement de notre pays pour Mozart, Weber, Meyerbeer et pour Flottow lui-même.

Cette hostilité déguisée de M. Saint-Saëns vis-à-vis de Wagner déplut aux Allemands, l’auteur de Samson et Dalila ayant toujours été bien accueilli dans les concerts d’Allemagne comme virtuose ou comme compositeur. Ayant eu l’imprudence d’accepter à cette époque un engagement de la Société philharmonique de Berlin, M. Saint-Saëns, à son arrivée sur l’estrade, fut reçu par des sifflets. Le succès de son concert n’en fut d’ailleurs pas compromis. L’incident a fait naguère un certain bruit. M. Reyer, qui ne devait rien à l’Allemagne, lui, se prononça à plusieurs reprises, dans les Débats, en faveur de Wagner contre la cabale à laquelle il osa dire son fait très vertement.

En réalité, au fond de ce débat où les naïfs ont vu une explosion de patriotisme, gisait, comme l’a dit très justement M. Ad. Jullien, une raison de concurrence commerciale[1], de protectionnisme en

  1. Déjà, le fait s’était produit en 1861, car M. Ernest Thoinan, dans la Saison musicale de 1866, écrivait ces lignes : « Il serait édifiant de raconter quelle fut la conduite d’une partie du public et la part active que prenaient dans la bagarre des artistes ! des éditeurs de musique et même des critiques ! On comprendrait alors les mobiles divers qui firent agir tant de gens envieux ou