damoiselle : « Le seigneur Hamlet est un prince au-dessus de ta sphère ; ceci ne doit pas être. » Et alors je lui ai donné pour préceptes de se tenir enfermée hors de ses atteintes, de n’admettre aucun messager, de ne recevoir aucun cadeau. Cela fait, elle a recueilli le fruit de mes avis, et lui (pour vous faire une courte histoire), se voyant rebuté, est tombé dans la tristesse ; de là dans le dégoût ; de là dans l’insomnie ; de là dans la faiblesse ; de là dans les rêveries flottantes, et, par ce déclin, dans la folie, où maintenant il s’égare, et qui nous met tous en deuil.
le roi. — Pensez-vous que ce soit cela ?
la reine. — Cela peut être, très-vraisemblablement.
polonius. — Est-il arrivé une seule fois (je voudrais bien le savoir) que j’aie dit positivement : cela est, et que cela se soit trouvé autrement ?
le roi. — Non, pas que je sache.
polonius, montrant sa tête et ses épaules. — Ôtez ceci de là, si cela est autrement. Pourvu que je sois guidé par les circonstances, je trouverai le point où la vérité est cachée, fût-elle cachée, en vérité, dans le centre de la terre.
le roi. — Comment pourrons-nous pousser plus loin l’enquête ?
polonius. — Vous savez que, parfois, il se promène quatre heures de suite ici, dans la galerie.
la reine. — Il s’y promène, en effet.
polonius. — Dans un de ces moments-là je lui lâcherai ma fille ; soyons alors, vous et moi, derrière une tapisserie ; observez leur rencontre ; s’il ne l’aime pas et si ce n’est pas ce qui l’a fait déchoir de la raison, ne me laissez plus être conseiller d’un royaume, envoyez-moi gouverner une ferme et des charretiers.
le roi. — Nous essayerons cela.
la reine. — Mais regardez de quel air de tristesse le pauvre malheureux vient en lisant.
polonius. — Éloignez-vous, je vous en conjure, éloignez-vous tous deux ; je vais l’aborder sur-le-champ : oh ! donnez-moi carte blanche. (Le roi, la reine et leur