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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/183

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ACTE II, SCÈNE II.

pourtant qu’il n’y a pas d’honnêteté à l’avoir ainsi couché par écrit ; car vous-même, monsieur, vous serez aussi vieux que je le suis, si jamais, comme un crabe, vous pouvez aller à reculons.

polonius, à part. — Quoique ce soient des folies, il y a pourtant de la suite là-dedans. Voulez-vous changer d’air, mon seigneur, et venir ailleurs ?

hamlet. — Dans mon tombeau ?

polonius. — Ce serait assurément changer d’air tout à fait. Comme ses répliques sont parfois grosses de sens ! Heureux hasards, où souvent la folie frappe en plein, tandis que la raison et les saines pensées ne seraient pas aussi chanceuses à bien s’exprimer ! Je vais le laisser et aviser sur-le-champ aux moyens d’amener une rencontre entre lui et ma fille. Mon honorable seigneur, je prendrai très-humblement congé de vous.

hamlet. — Vous ne pouvez, monsieur, rien prendre de moi dont je fasse plus volontiers l’abandon… si ce n’est ma vie, si ce n’est ma vie, si ce n’est ma vie !

polonius. — Adieu, mon seigneur.

hamlet. — Ces ennuyeux vieux fous !

(Rosencrantz et Guildenstern entrent.)

polonius. — Vous cherchez le seigneur Hamlet ; il est ici.

rosencrantz, à Polonius. — Dieu vous garde, monsieur !

(Polonius sort.)

guildenstern. — Mon honoré seigneur !…

rosencrantz. — Mon très-cher seigneur !…

hamlet. — Mes bons, mes excellents amis ! comment vas-tu, Guildenstern ? Ah ! Rosencrantz ! Bons compagnons, comment allez-vous tous les deux ?

rosencrantz. — Comme le vulgaire des enfants de la terre.

guildenstern. — Heureux par cela même que nous ne sommes pas trop heureux. Nous ne sommes pas précisément le plus beau fleuron que la fortune porte à sa toque.

hamlet. — Ni les semelles que foulent ses souliers ?

rosencrantz. — Non, mon seigneur.