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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/221

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ACTE III, SCÈNE III.

hamlet. — Voyez-vous ce nuage, qui a presque la forme d’un chameau ?

polonius. — Par la sainte messe, il ressemble à un chameau, en vérité !

hamlet. — Je crois qu’il ressemble à une belette.

polonius. — Il a comme un dos de belette.

hamlet. — Ou de baleine ?

polonius. — Oui, tout à fait de baleine.

hamlet. — Ainsi, j’irai donc trouver ma mère tout à l’heure… L’arc est à bout de corde ; ils me tirent à me rendre fou… J’irai tout à l’heure.

polonius. — Je le lui dirai.

(Polonius sort.)

hamlet. — Tout à l’heure est aisé à dire. Laissez-moi, mes amis. (Rosencrantz, Guildenstern, Horatio, etc., sortent.) Voici justement l’heure de la nuit, cette heure qui ensorcelle, l’heure où les cimetières bâillent et où l’enfer même souffle sur ce monde la contagion. Maintenant, je pourrais boire du sang chaud et faire des actions si amères que le jour frémirait de les regarder… Doucement ! chez ma mère, maintenant ? Ô mon cœur ! ne perds pas ta nature ; que jamais l’âme de Néron ne pénètre dans cette ferme poitrine ; soyons cruel, mais non dénaturé : je lui parlerai de poignards, mais je n’en mettrai point en usage. Ma langue et mon âme, soyez hypocrites en ceci, et de quelque façon que mes discours puissent frapper sur elle, — quant à les sceller des sceaux qui font agir, ô mon âme ! n’y consens jamais !

(Il sort.)

SCÈNE III

(Un appartement dans le château.)
LE ROI, ROSENCRANTZ et GUILDENSTERN entrent.

le roi. — Il m’est déplaisant ; et, d’ailleurs, il n’y a point de sûreté pour nous à laisser errer sa folie. Préparez-vous donc ; je vais expédier sur-le-champ votre commission, et il partira pour l’Angleterre avec vous.