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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/224

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HAMLET.

maintenant il est en prières ; et maintenant, je vais le faire… et ainsi il va au ciel, et moi, suis-je ainsi vengé ? Ceci veut être examiné. Un scélérat tue mon père, et pour cela, moi, son fils unique, j’envoie ce même scélérat droit au ciel ! Eh ! mais ce serait salaire et profit, et non vengeance. Il a surpris mon père brutalement, plein de pain [1], quand tous ses péchés étaient largement épanouis et frais comme le mois de mai… Et comment ses comptes se balancent, qui le sait, hormis le ciel ? Mais, du point de vue où nous sommes et dans notre ordre de pensées, la charge est lourde pour lui. Serai-je donc vengé en surprenant celui-ci au moment où il purifie son âme, lorsqu’il est prêt et accommodé pour le voyage ? Non. Halte-là, mon épée, et médite une plus horrible atteinte. Quand il sera ivre, endormi, ou dans sa rage, ou dans les plaisirs incestueux de son lit ; jouant ou jurant, ou en train de quelque action qui n’ait aucun parfum de salut ; alors, abats-le, de façon que ses talons ruent vers le ciel et que son âme soit aussi damnée et aussi noire que l’enfer où elle va. — Ma mère attend. — Ce cordial, vois-tu, ne fait que prolonger tes jours incurables.

(Il sort.) mmmm (Le roi se lève et revient.)

le roi. — Mes paroles s’envolent, mes pensées demeurent ici-bas. Les paroles sans les pensées ne vont jamais au ciel.

(Il sort.)

SCÈNE IV

(Un autre appartement dans le château.)
LA REINE et POLONIUS entrent.

polonius.-Il va venir tout de suite. N’oubliez pas de le réprimander sans cérémonie. Dites-lui que ses écarts

  1. Expression biblique empruntée à Ézéchiel, XVI, 49 : « Voici ! ç’a été ici l’iniquité de Sodome, ta sœur : l’orgueil, la plénitude de pain et une molle oisiveté. »