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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/233

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ACTE III, SCÈNE IV.

ment, ce conseiller est maintenant bien tranquille, bien discret et bien grave, lui qui fut, en sa vie, un drôle si niais et si babillard. Allons, monsieur, tâchons d’en finir avec vous. Bonsoir, ma mère.

(Ils s’en vont, chacun de son côté ; Hamlet traînant le corps de Polonius.)


FIN DU TROISIÈME ACTE.

    pas d’actes, et les scènes se suivaient sans interruption aussi quand un des personnages venait de mourir devant le public, la plus pressante affaire était de le faire rentrer dans les coulisses, afin que le cadavre redevînt un acteur et passât à un autre rôle ; quand, pour satisfaire à cette nécessité, l’auteur ne pouvait introduire un comparse à cause du caractère intime de la scène, comme dans le cas présent, ou pour toute autre cause, il fallait bien qu’un des interlocuteurs se chargeât de tirer ou d’emporter le mort, et il fallait sauver tant bien que mal l’invraisemblance. Shakspeare tâchait toujours d’accommoder à la situation et aux personnages les expédients que cette gêne scénique l’obligeait à inventer ; il en a de toute sorte : railleries, imprécations, adieux pathétiques, promesses de vengeance, précautions du meurtrier, etc., etc., toujours quelques paroles qui conviennent à l’action du moment accompagnent le cadavre emporté et motivent l’incident ; rien que dans la trilogie de Henri VI, on en peut remarquer neuf exemples (part. I, act. I, sc. iv ; act. II, sc. v ; act. IV ; sc. vii ; — part. II, act. IV, sc. i ; act. IV, sc. x ; act. V, sc. ii ; — part. III, act. II, sc. v, deux fois dans la même scène ; et act. V, sc. vi). Si quelques-uns trouvent indigne de Shakspeare son attention à de telles minuties, ou si d’autres trouvent mal dissimulées les ruses qu’il imagine pour sortir d’embarras, nous ne sommes ni de l’un ni de l’autre avis. Passionnément inspiré et profondément moraliste, Shakspeare nous semble encore admirable par cela même qu’il se rappelle à chaque instant qu’il écrit pour le théâtre, et parce qu’il prépare de détails en détails l’effet de la représentation, tout en se livrant à sa verve de poëte et en développant sa connaissance du cœur humain ; et en même temps il a raison de traiter les expédients comme des expédients ; il a raison de ne pas ciseler avec un art prétentieux les chevilles nécessaires à ses grandes charpentes ; quand quelque chose manque à ses ressources d’impresario, il a raison d’y suppléer par l’adresse, mais simplement, et de n’y point attarder son génie.