Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
272
HAMLET.

mérites [1] qu’un galant homme aime à contempler.

hamlet. — Monsieur, son portrait ne souffre point indigence d’éloges à être tracé par vous. Ce n’est pas que je ne sache bien que, si l’on se piquait de faire l’anatomie et tout l’inventaire de ce gentilhomme, s’il est permis de s’exprimer ainsi, on ne laisserait pas de stupéficier l’arithmétique de la mémoire, encore que l’on ne fît que voguer derrière lui et chercher le vent çà et là, au prix de son rapide sillage [2]. Mais sans mentir ni le pousser trop avant dans le rang favori de notre pensée, je le tiens pour une âme du premier ordre, et le concert de ses qualités a tant d’étrange et d’inouï que, pour donner dans le vrai de la chose, il n’a son pareil que dans son miroir, et tout autre qui voudrait lui ressembler n’irait qu’à doubler son ombre, rien de plus.

osrick. — Votre Seigneurie parle de lui à coup sûr.

hamlet. — Mais quelles affaires, monsieur ? Pourquoi encapucinons-nous ce galant homme dans la rudesse indue de nos paroles ?

osrick. — Monsieur ?

horatio. — N’est-il pas possible de s’entendre en par-

    style, où se complurent les euphuïstes comme les précieuses. De même, dans la comédie de Somaize, les Véritables Précieuses (sc. IV), Isabelle dit « Voyez qu’il a bien sucé tout ce que la Carte de Coquetterie lui a pu dogmatiser de tendresse ! » et Somaize encore, dans le Dictionnaire des Précieuses, cite l’Almanach d’Amour comme faisant assez voir que l’auteur aime et réussit bien à la galanterie.

  1. Somaize, Dictionnaire des Précieuses : « Mademoiselle une telle a beaucoup d’esprit ; mademoiselle une telle est un extrait de l’esprit humain, » Nous pourrions à chaque ligne indiquer un renvoi, pour les tournures de phrases comme pour les mots ; mais le lecteur s’en fatiguerait vite, et avec raison.
  2. Là est le seul euphuïsme de cette scène que nous n’ayons pas retrouvé dans la langue des précieux ; mais qui s’étonnerait de voir les Anglais plus maritimes que nous, même dans l’ancien patois de leurs gens de cour ? Le mot du texte est technique, to yaw ; en français : donner des embardées, c’est-à-dire des mouvements alternatifs de rotation, de droite à gauche et de gauche à droite, que le vent ou un courant considérable imprime à l’avant d’un navire.