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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/346

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LA TEMPÊTE.

Stephano.

Oui-da, j’y consens. À genoux, et répète-la. Je resterai debout, et Trinculo aussi.

(Entre Ariel invisible.)
Caliban.

Comme je te l’ai dit tantôt, je suis sujet d’un tyran, d’un sorcier qui par ses fraudes m’a volé cette île.

Ariel.

Tu mens.

Caliban.

Tu mens toi-même, malicieux singe. Je voudrais bien qu’il plût à mon vaillant maître de t’exterminer. Je ne mens point.

Stephano.

Trinculo, si vous le troublez encore dans son récit, par cette main, je ferai sauter quelqu’une de vos dents.

Trinculo.

Quoi ! je n’ai rien dit.

Stephano.

Tu peux murmurer tout bas, pas davantage. (À Caliban.) Poursuis.

Caliban.

Je dis que par sortilège il a pris cette île ; il l’a prise sur moi. S’il plaît à ta Grandeur de me venger de lui, car je sais bien que tu es courageux, mais celui-là ne l’est pas…

Stephano.

Cela est très-certain.

Caliban.

Tu seras le seigneur de l’île, et moi je te servirai.

Stephano.

Mais comment en venir à bout ? Peux-tu me conduire à l’ennemi ?

Caliban.

Oui, oui, mon seigneur ; je promets de te le livrer endormi, de manière à ce que tu puisses lui enfoncer un clou dans la tête.

Ariel.

Tu mens, tu ne le peux pas.

Caliban.

Quel fou bigarré est-ce là ? Vilain pleutre ! Je conjure ta Grandeur de lui donner des coups, et de lui reprendre cette bouteille : quand il ne l’aura plus, il faudra qu’il boive de l’eau de mare, car je ne lui montrerai pas où sont les sources vives.

Stephano.

Crois-moi, Trinculo, ne t’expose pas davantage au danger. Interromps encore le monstre d’un seul mot, et je mets ma clémence à la porte, et je fais de toi un hareng sec.

Trinculo.

Eh quoi ! que fais-je ? Je n’ai rien fait ; je vais m’éloigner de vous.