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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/372

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LA TEMPÊTE.

ne faisons qu’un saut hors de là, et nous revoyons dans son assiette[1] et remis à neuf notre royal, notre bon et brave navire : notre maître bondit de joie en le regardant. En un clin d’œil, pas davantage, s’il vous plaît, nous avons été séparés des autres, et, encore tout assoupis, amenés ici comme dans un songe.

Ariel, à part.

Ai-je bien fait mon devoir ?

Prospero, à part.

À ravir ! La diligence en personne ! Tu vas être libre.

Alonzo.

Voilà le plus surprenant dédale où jamais aient erré les hommes ! Il y a dans tout ceci quelque chose au delà de ce qu’a jamais opéré la nature. Il faut qu’un oracle nous instruise de ce que nous en devons penser.

Prospero.

Seigneur, mon suzerain, ne fatiguez point votre esprit à agiter en lui-même la singularité de ces événements : nous choisirons, et dans peu, un instant de loisir où je vous donnerai à vous seul (et vous le trouverez raisonnable) l’explication de tout ce qui est arrivé ici ; jusque-là soyez tranquille, et croyez que tout est bien. — Approche, esprit ; délivre Caliban et ses compagnons, lève le charme. (Ariel sort.) — Eh bien ! comment se trouve mon gracieux seigneur ? Il vous manque encore de votre suite quelques malotrus que vous oubliez.

(Rentre Ariel, chassant devant lui Caliban, Stephano et Trinculo, vêtus des habits qu’ils ont volés.)
Stephano.

Que chacun s’évertue pour le bien de tous les autres, et que personne ne s’inquiète de soi, car tout n’est que hasard dans la vie. — Corraggio ! monstre fier-à-bras, corraggio !

Trinculo, à la vue du roi.

Si ces deux espions que je porte en tête ne me trompent pas, voilà une bienheureuse apparition !

Caliban.

Ô Sétébos, que voilà des esprits de bonne

  1. On dit qu’un vaisseau est en assiette quand il a toutes ses qualités, et qu’il est dans la meilleure situation possible.