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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/43

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SUR SHAKSPEARE.

religieuse ; une paroisse manque-t-elle de fonds : on annonce un church-ale [1] ; les marguilliers brassent de la bière, la vendent au peuple à la porte de l’église, aux riches dans l’église même ; chacun vient contribuer à la fête de son argent, de sa présence, de ses provisions, de sa gaieté ; la joie des bonnes œuvres s’augmente des plaisirs de la bonne chère, et la piété des riches se plaît à dépasser, par ses dons, le prix exigé. Souvent plusieurs paroisses se réunissent pour tenir tour à tour le church-ale au profit de chacune d’elles. Les jeux ordinaires suivaient ces réunions ; le ménestrel, la danse moresque, la représentation de Robin Hood avec la belle Marianne et le Cheval de bois [2], ne manquaient pas d’y figurer. Le temps de la confession, la Pâque, la Pentecôte, étaient encore, pour l’Église et le peuple, autant d’occasions périodiques de réjouissances communes. Ainsi, familier avec les mœurs populaires, le clergé anglais, en leur offrant des plaisirs nouveaux, songea moins à les modifier qu’à se les rendre favorables ; et dès qu’il vit quel charme trouvait le peuple aux représentations dramatiques, quel que fût le sujet mis en scène, il n’eut garde de renoncer à ce moyen de popularité. En 1378, les choristes de Saint-Paul se plaignent à Richard II de ce que des ignorants se mêlent de représenter les histoires de l’Ancien Testament, « au grand préjudice du clergé. » Depuis cette époque, les mystères et les moralités ne cessent pas d’être, dans les églises et les couvents, un des amusements favoris de la nation, et l’une des occupations des ecclésiastiques. Au commencement du XVIe siècle, un comte de Northumberland, protecteur des lettres, établit pour règle de sa maison qu’au nombre de ses chapelains il en aura un pour composer des intermèdes [3]. Vers la fin de son règne, Henri VIII interdit à l’Église ces représen-

  1. Littéralement bière d’église ; mais la bière était si intimement unie aux fêtes populaires que le mot ale était devenu synonyme de fête.
  2. Hobby-horse.
  3. Interludes.