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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/462

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CORIOLAN.

le romain.—Je suis ravi d’apprendre qu’ils sont tout prêts, et je suis l’homme, je crois, qui va les mettre dans le cas d’agir à l’heure même. Je m’applaudis de vous avoir rencontré, et votre compagnie me fait grand plaisir.

le volsque.—Vous vous chargez là de mon rôle : c’est moi qui ai le plus sujet de me réjouir de la vôtre.

le romain.—Allons, marchons ensemble.

(Ils sortent.)

SCÈNE IV

Antium, devant la maison d’Aufidius.
CORIOLAN entre mal vêtu, déguisé, et le visage à demi caché dans son manteau.

coriolan.—C’est une belle ville qu’Antium ! Cité d’Antium, c’est moi qui t’ai remplie de veuves. Combien d’héritiers de ces beaux édifices j’ai ouï gémir et vu périr dans mes guerres ! Cité d’Antium, ne va pas me reconnaître : tes femmes et tes enfants, armés de broches et de pierres, me tueraient dans un combat sans gloire. (Il rencontre un Volsque.) Salut, citoyen.

le volsque.—Je vous le rends.

coriolan.—Conduisez-moi, s’il vous plaît, à la demeure du brave Aufidius. Est-il à Antium ?

le volsque.—Oui, et il donne un festin aux grands de l’État.

coriolan.—Où est sa maison, je vous prie ?

le volsque.—C’est celle-ci, là, devant vous.

coriolan.—Je vous remercie : adieu. (Le Volsque s’en va.) Ô monde, voilà tes révolutions bizarres ! Deux amis qui se sont juré une foi inviolable, qui paraissent n’avoir à eux deux qu’un seul et même cœur, qui passent ensemble toutes les heures de la vie, partageant le même lit, la même table, les mêmes exercices, qui sont pour ainsi dire deux jumeaux inséparables, unis par une éternelle amitié, vont dans l’espace d’une heure, sur la plus légère querelle, sur une parole, rompre violemment ensemble, et passer à la haine la plus envenimée. Et aussi deux ennemis mortels, dont la haine troublait le