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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/470

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CORIOLAN.

surpasse autant la paix que le jour surpasse la nuit : elle est vive, vigilante, sonore, et pleine d’activité et de trouble. La paix est une vraie apoplexie, une léthargie fade, sourde, assoupie, insensible : elle fait plus de bâtards que la guerre ne détruit d’hommes.

second esclave.—C’est cela ; et comme la guerre peut s’appeler un métier de voleur, la paix n’est bonne qu’à faire des cocus.

premier esclave.—Oui, et elle rend les hommes ennemis les uns des autres.

troisième esclave.—Bien dit, parce qu’ils ont alors moins besoin les uns des autres. Allons, la guerre, pour remplir ma bourse ! J’espère dans peu voir les Romains à aussi vil prix dans le marché que l’ont été les Volsques… J’entends du bruit : ils se lèvent de table.

tous trois.—Entrons vite, vite, entrons.

(Ils sortent.)

SCÈNE VI

Rome. — Une place publique.
SICINIUS et BRUTUS.

sicinius.—Nous n’entendons plus parler de lui, et nous n’avons pas à le craindre. Toutes ses ressources sont anéanties par la paix actuelle et par la tranquillité du peuple, qui auparavant était dans un horrible désordre. Ses amis rougissent à présent que le monde va à merveille sans lui. Ils aimeraient mieux, dussent-ils en souffrir eux-mêmes, voir le peuple ameuté en troupes séditieuses infester les rues de Rome, que nos artisans chanter dans leurs ateliers, et aller en paix à leurs travaux.

(Ménénius paraît.)

brutus.—Nous avons bien fait de tenir bon.—N’est-ce pas là Ménénius.

sicinius.—C’est lui, c’est lui. Oh ! oh ! il s’est bien adouci depuis quelque temps ! —Salut, Ménénius.

ménénius.—Salut, vous deux.

sicinius.—Votre Coriolan n’est pas fort regretté, si ce