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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/476

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CORIOLAN.

de ma fortune pouvoir changer cette nouvelle en mensonge.

sicinius.—Je vous prie, allons-nous-en.

(Les deux tribuns s’en vont.)

SCÈNE VII

Un camp à une petite distance des portes de Rome.
AUFIDIUS et son LIEUTENANT.

aufidius.—Passent-ils toujours sous les drapeaux du Romain ?

le lieutenant.—Je ne conçois pas quel sortilège il a pour les attirer ; mais vos soldats ont pour lui une espèce de culte. À table, il est le sujet de leurs entretiens ; après le repas, c’est encore à lui que s’adressent leurs sentiments et leurs vœux ; et vous êtes mis à l’arrière-plan, seigneur, dans cette expédition, même par les vôtres.

aufidius.—C’est ce que je ne pourrais empêcher à présent, sans rendre notre entreprise boiteuse. Je le vois bien aujourd’hui, il se conduit avec plus d’orgueil, même vis-à-vis de moi, que je ne l’ai prévu lorsque je l’ai accueilli et embrassé. Mais c’est sa nature, et il faut bien que j’excuse quelque temps ce qu’il est impossible de corriger.

le lieutenant.—Moi, je souhaiterais, seigneur, pour vos propres intérêts, que vous ne l’eussiez pas associé au commandement ; je voudrais qu’il eût reçu des ordres de vous, ou bien que vous l’eussiez laissé agir seul.

aufidius.—Je te comprends à merveille ; et sois sûr qu’il ne se doute pas de ce que je pourrai dire contre lui, lorsqu’il aura à rendre ses comptes. Quoiqu’il semble, et c’est ce qu’il croit lui-même ainsi que le vulgaire, qu’il conduit tout heureusement et qu’il sert sans réserve les intérêts des Volsques, quoiqu’il combatte comme un lion, et qu’il triomphe aussitôt qu’il tire l’épée ; cependant il est un point qu’il a laissé imparfait, et qui fera sauter sa tête ou la mienne, lorsque nous viendrons tous deux à rendre nos comptes.