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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/208

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MESURE POUR MESURE.

J’arrive vite — à l’infâme conclusion dont le seul aveu m’emplit de douleur et de honte. — Il ne voulait relâcher mon frère que si je livrais ma chaste personne — aux désirs effrénés de sa concupiscence. — Après de longs débats, — la pitié fraternelle fit taire mon honneur, — et je cédai. Mais, le lendemain matin, son caprice assouvi, il envoie l’ordre — de décapiter mon pauvre frère.

le duc, ironiquement.

La chose est bien vraisemblable !

isabelle.

— Oh ! que n’est-elle aussi vraisemblable qu’elle est vraie !

le duc.

— Par le ciel, misérable folle, tu ne sais ce que tu dis, — ou bien tu es subornée pour attaquer son honneur — par quelque odieuse cabale. D’abord, son intégrité — est sans tache ; ensuite, il n’est pas admissible — qu’il eût poursuivi avec une telle véhémence — des fautes personnelles à lui-même. S’il avait ainsi failli, — il aurait pesé ton frère à sa propre balance — et ne l’aurait pas frappé à mort. Quelqu’un t’a mise en avant : — confesse la vérité, et dis à quelle suggestion — tu viens ici te plaindre.

isabelle.

Est-ce là tout ?… — Ô vous donc, bienheureux ministres d’en haut, — accordez-moi la résignation, et, la saison venue, — dévoilez le crime aujourd’hui drapé — dans l’hypocrisie !… Que le ciel préserve Votre Grâce du malheur, — comme il est vrai que je m’éloigne d’ici, victime incomprise !

le duc.

— Je sais que vous voudriez bien vous éloigner… Un exempt ! — En prison cette femme !… Permettrons-nous qu’ainsi — le souffle flétrissant de la calomnie tombe — sur qui nous est si proche ? Ceci doit être une machina-