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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/233

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SCÈNE I.

le peintre.

C’est conçu grandement. — Ce trône, cette fortune, cette hauteur, — puis cet homme choisi d’un signe dans cette tourbe infime, — s’élançant, tête baissée, sur la côte escarpée — à l’escalade de son bonheur, il me semble que tout cela serait parfaitement rendu — dans notre art.

le poète.

Mais, monsieur, écoutez-moi jusqu’au bout. — Tous ceux qui naguère étaient ses égaux, — voire même ses supérieurs, aussitôt — s’attachent à ses pas, encombrent ses antichambres, — versent à son oreille l’encens de leurs murmures, — sanctifient jusqu’à son étrier et n’aspirent que par lui — l’air libre.

le peintre.

Soit ! eh bien, après ?

le poète.

— Lorsque la fortune, par un capricieux changement d’humeur, rejette à bas son favori d’hier, tous ces clients — qui s’évertuaient derrière lui à gravir la montagne — sur les genoux et sur les mains, le laissent rouler en bas, — sans qu’aucun l’accompagne dans son déclin.

le peintre.

C’est chose commune. — Je puis exposer mille peintures allégoriques — qui représenteront ces brusques revers de fortune — plus puissamment que des paroles. N’importe, vous faites bien — de montrer au seigneur Timon que les petits ont vu déjà — culbuter les grands.


Les trompettes sonnent. Entre Timon, accompagné de sa suite et causant avec le serviteur de ventidius.
timon.

Il est emprisonné, dites-vous ?

le serviteur.

— Oui, mon bon seigneur. Il doit cinq talents. — Ses