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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/306

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TIMON D'ATHÈNES.

— grâce auxquels l’homme ingrat, gorgé de breuvages — et de mets onctueux, abrutit sa pure intelligence — et lui fait perdre la réflexion !

Entre Apemantus.

— Encore un homme ! Horreur ! Horreur !

apemantus.

— On m’a indiqué ta retraite. On rapporte — que tu affectes mes manières, que tu les assumes.

timon.

— C’est donc parce que tu n’as pas de chien — que je puisse imiter !… Que la consomption te saisisse !

apemantus.

— Tout cela n’est chez toi qu’affectation, — une misérable et indigne mélancolie, causée — par un changement de fortune ! Pourquoi cette bêche, ce séjour, — cet habit d’esclave et cet air soucieux ? — Tes flatteurs continuent de porter la soie, de boire du vin, de dormir mollement — et d’étreindre leurs belles malades parfumées : ils ne se souviennent plus — que Timon ait jamais existé ! N’outrage pas ces forêts — en affectant l’acrimonie d’un censeur. — Fais-toi flatteur à ton tour et tâche de prospérer — par ce qui t’a ruiné. Mets une charnière à ton genou ; — et que le moindre souffle de celui que tu courtiseras — emporte ton chapeau ! Vante son plus vicieux travers, — et déclare-le excellent. C’est le langage qu’on te tenait ; — et tu écoutais avec une oreille, complaisante comme le bonjour d’un cabaretier, — le premier chenapan venu. Il est bien juste — que tu deviennes un coquin ; si tu redevenais riche, — ce serait encore au profit des coquins. Ne cherche pas à me ressembler.

timon.

— Si je te ressemblais, je me détruirais.