Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
SCÈNE XIII.

le perdront. Quoi que je vous donne, — n’en volez pas moins, et puisse en tout cas cet or vous confondre ! — Amen !

Il rentre dans sa caverne.
troisième bandit.

Il m’a presque désenchanté de ma profession, en m’y encourageant.

premier bandit.

C’est par haine du genre humain qu’il nous conseille ainsi ; ce n’est point pour nous voir prospérer dans notre état.

deuxième bandit.

Je veux le croire comme je croirais un ennemi, et renoncer à mon métier.

premier bandit.

Attendons que la paix soit rétablie dans Athènes. Il n’est pas de temps si misérable où l’homme ne puisse devenir honnête.

Les bandits sortent.


Entre Flavius.
flavius, regardant dans la grotte où Timon s’est retiré.

Ô dieux ! — Est-ce bien là monseigneur, cet homme méprisé, ruiné, — en proie à la dégradation et au délabrement ? Ô monument — prodigieux de bonnes actions mal distribuées ! — Quelle déchéance a — causée une détresse désespérée ! — Quoi de plus vil sur la terre que des amis — qui peuvent entraîner les plus nobles âmes à la fin la plus honteuse ! — Triste nécessité propre à cette époque — que l’homme en soit réduit à aimer ses ennemis ! — Oui, puissé-je à jamais aimer et rechercher — les haines qui me veulent du mal, plutôt que les dévouements qui m’en font !… — Il m’a aperçu : je vais lui présenter — ma loyale douleur, et, comme à mon seigneur, — lui consacrer ma vie… Mon très-cher maître !

Timon sort de sa grotte.