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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/322

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TIMON D'ATHÈNES.

timon, à part.

Veux-tu donc figurer pour un misérable dans ton propre ouvrage ? Veux-tu donc flageller tes propres vices sous le nom des autres ? Fais-le ; j’ai de l’or pour toi.

le poète.

Çà, cherchons-le.

Nous péchons contre notre intérêt.
Quand, sur la voie d’un profit, nous nous attardons.

le peintre.

C’est juste.

Tandis que le jour te favorise, avant la nuit aux sombres profondeurs.
Trouve ce que tu veux à la libre clarté du généreux soleil.

Venez.

timon, à part.

— Je vais vous rencontrer au prochain détour. Quel dieu que cet or — qui est adoré dans un temple plus abject — qu’une souille à truie ! — Or, c’est toi qui équipes le navire et qui laboures la vague, — loi qui confères à un misérable le respect et l’admiration ! — À toi le culte des hommes ! et puissent les saints — qui n’obéissent qu’à toi être couronnés de fléaux ! — Allons au-devant d’eux.

Il s’avance.
le poète.

— Salut, digne Timon !

le peintre.

Notre ancien et noble maître !

timon.

— Ai-je donc assez vécu pour voir deux honnêtes gens ?

le poète.

Monsieur, — ayant souvent profité de votre expansive bonté, — apprenant votre retraite et la désertion de vos amis — dont les natures ingrates… Ô âmes hideuses ! — Non, le ciel n’a pas de verges suffisantes… — Quoi ! en-