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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/328

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TIMON D'ATHÈNES.

premier sénateur.

Ainsi, Timon…

timon.

— Soit ! monsieur, je consens ; ainsi, monsieur, je consens. Écoutez : — Si Alcibiade tue mes concitoyens, — faites savoir à Alcibiade, de la part de Timon, — que cela est égal à Timon. Mais s’il saccage la belle Athènes, — s’il traîne par la barbe nos augustes vieillards, — s’il livre nos vierges saintes aux outrages — d’une guerre infâme, brutale et forcenée, — eh bien, faites-lui savoir (et répétez-lui les paroles mêmes de Timon), — que, dans ma pitié pour nos vieillards et nos jeunes filles, — je ne puis m’empêcher de lui dire que… cela m’est égal. — Qu’il le prenne comme il voudra. Vous, ne vous inquiétez pas des couteaux, — tant que vous aurez des gorges à offrir. Quant à moi, — il n’y a pas dans le camp des rebelles une lame — qui ne soit plus précieuse à ma tendresse que — la gorge la plus vénérable d’Athènes. Sur ce, je vous abandonne — à la protection des dieux propices, — comme des voleurs aux geôliers.

flavius.

Retirez-vous : tout est inutile.

timon.

— Tenez, j’étais en train d’écrire mon épitaphe ; — on la verra demain. La longue maladie — de ma santé et de ma vie commence à céder, — et le néant va me donner tout. Allez, vivez ! — qu’Alcibiade soit votre fléau ; soyez le sien, — et que cela dure longtemps.

premier sénateur.

Nous parlons en vain.

timon.

— Et pourtant j’aime ma patrie, et ne suis pas — homme à me réjouir du naufrage public, — comme le prétend le bruit public.