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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/513

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APPENDICE.

d’user de clémence que de justice. Car là où la justice montre que les vices lui sont en haine, à raison de quoi il leur donne châtiment, la clémence le fait très-semblable aux dieux immortels. Et si j’obtiens cette singulière grâce de votre bénignité, pour l’acte gracieux usé envers moi, je prierai toujours dévotement Dieu, comme très-humble servante de Votre Majesté, qu’il lui plaise la conserver longuement, et heureusement, afin qu’elle puisse longtemps user de sa justice et clémence, au profit des humains et à l’honneur et louange immortelle d’icelle.

En cet endroit Épitia acheva de parler.

Maximian fut émerveillé de l’entendre ainsi prier pour Juriste, qui lui avait fait si grand tort : et lui sembla qu’une si grande bonté méritait qu’il lui octroyât ce qu’elle demandait. Parquoi ayant fait venir Juriste à l’heure qui l’attendait d’être conduit à la mort, il lui dit :

— Méchant homme, la bonté d’Épitia a eu tant de crédit en mon endroit, que là où votre méchanceté méritait d’être punie d’une double mort, et non pas d’une, elle m’a induit à vous faire grâce de la vie, laquelle je veux que vous reconnaissiez tenir d’elle. Et puisqu’elle est contente de vivre avec vous, je suis content que vous viviez avec elle. Et, si j’entends que vous la traitiez autrement qu’il faut, je vous ferai éprouver le déplaisir que vous me ferez en cela.

Et ce disant, l’empereur prit Épitia par la main et la bailla à Juriste.

Ils remercièrent tous deux Sa Majesté de la grâce et faveur qu’elle leur avait faite.

Et Juriste, considérant combien avait été grande envers lui la courtoisie d’Épitia, l’aima toujours beaucoup : et pour cette cause, elle vécut très-heureusement avec lui le reste de ses ans.


FIN DE L’APPENDICE.