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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 11.djvu/170

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RICHARD II.

enregistrées, — serais-tu pas humilié d’en donner lecture — devant une si noble compagnie ? Si tu le faisais, — tu y trouverais un odieux article, — contenant la déposition d’un roi — et la rupture violente d’un serment sacré, — marqué pour la damnation dans le livre des cieux !… — Oui, toi, et vous tous qui impassibles me regardez ici — harcelé par ma misère ! — Qu’importe qu’il y en ait parmi vous qui, comme Pilate, se lavent les mains, — en montrant un semblant de pitié !… Vous-mêmes, Pilates, — vous m’avez livré à ma croix amère, — et nulle eau ne pourra laver votre péché.

northumberland.

— Dépêchez, milord ; lisez ces articles.

richard.

— Mes yeux sont pleins de larmes, je ne puis y voir. — Et pourtant l’eau amère ne les aveugle pas au point — qu’ils ne puissent voir ici un tas de traîtres ! — Oui, si je tourne mes regards sur moi-même, — je me trouve traître comme le reste : — car j’ai donné ici le consentement de mon âme — pour dépouiller le corps sacré d’un roi ; — j’ai avili la gloire, asservi la souveraineté, — assujetti la majesté suprême et encanaillé le pouvoir !

northumberland.

— Monseigneur.

richard.

— Je ne suis pas ton seigneur, homme hautain et insolent ! — Je ne suis le seigneur de personne ! — Je n’ai pas de nom, pas de titre — (non, pas même le nom qui me fut donné sur les fonts baptismaux), — qui ne soit usurpé… Hélas ! quel malheur ! — avoir traversé tant d’hivers, — et ne pas savoir de quel nom m’appeler ! Oh ! que ne suis-je un dérisoire roi de neige, — exposé au soleil de Bolingbroke, — pour me fondre tout en eau !… — Bon roi… grand roi (et pourtant pas grandement