Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 11.djvu/529

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
525
APPENDICE.

fut à Windesore[1]) au prendre congé il me fit, par un sien chevalier, donner un gobelet d’argent doré, pesant deux marcs largement, et dedans cent nobles, dont je valus mieux depuis tout mon vivant, et suis moult tenu à prier Dieu pour lui, et envis (malgré moi) écrivis de sa mort.

Mais pour tant que j’ai dicté, ordonné et augmenté, à mon loyal pouvoir, cette histoire, je l’écris pour donner connaissance qu’il devint. En mon temps je vis deux choses qui furent véritables : nonobstant qu’elles chussent en grand différent. À savoir est que j’étais dans la cité de Bordeaux, et séant à table, quand le roi Richard fut né lequel vint au monde à un mercredi, sur le point de dix heures, et à cette heure que je dis vint messire Richard de Pont-Cardon, maréchal pour celui temps d’Aquitaine, et me dit :

— Froissart, écrivez et mettez en mémoire que Mme la princesse est accouchée d’un beau fils qui est venu au monde au jour des Rois, et si est fils de roi.

Le gentil chevalier de Pont-Cardon ne mentit pas, car il fut roi d’Angleterre vingt et deux ans, mais au jour qu’il me dit ces paroles il ne savait pas la conclusion de sa vie, quelle elle serait, et pour le temps que le roi Richard fut né, son père était en Galice (que le roi Dom Piètre lui avait donnée) et était là pour conquérir le royaume. Ce sont choses bien à imaginer, et sur lesquelles j’ai moult pensé depuis. Car, le premier an que je vins en Angleterre au service de la noble Reine Philippe (ainsi que le roi Édouard, ladite Reine et tous leurs enfants étaient venus à Barquamestede, un manoir du prince de Galles, séant outre-Londres, pour prendre congé, du prince et de la princesse qui devaient aller

  1. Windsor.