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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 11.djvu/57

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53
INTRODUCTION.


II


There is a history in all men’s lives,
Figuring the nature of the times deceased:
The which observed, a man may prophesy,
With a near aim, of the main chance of things
As yet not come to life; which in their seeds
And weak beginnings lie intreasured.
Such things become the hatch and brood of times.


« Il y a dans toutes les vies humaines des faits qui représentent l’état des temps évanouis : en les observant, un homme peut prophétiser presque à coup sur le développement essentiel des choses encore à naître qui sont enfouies en germe dans leurs faibles prodromes, et que l’avenir doit couver et faire éclore, » Ces remarquables paroles, prononcées par un des personnages secondaires de Henry IV, contiennent toute une philosophie de l’histoire. Selon Shakespeare, les choses qui remplissent la vie de l’humanité ne sont pas les effets d’un aveugle hasard. Chaque événement est un germe qui se développe et porte ses fruits, conformément à une loi générale qui est le principe même de l’histoire. Tout phénomène, survenu dans le monde de l’action, vit d’une existence spéciale, existence qui commence à la conception première et ne s’achève qu’à la conséquence dernière. Vainement la volonté humaine tenterait d’empêcher les résultats d’un fait accompli. Suivant Shakespeare, notre libre arbitre est absolument circonscrit par une double fatalité, — fatalité des passions, fatalité des événements. Les passions le dominent dans le monde intérieur ; les événements dans le monde extérieur. Quoi que fasse Macbeth, il ne saurait se dérober aux conséquences du meurtre de Duncan : il perd le trône et la vie. Quoi que fasse Richard III, il ne saurait éluder les consé-