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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/104

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SONNETS.

Oh ! combien d’agneaux attraperait le loup cruel, s’il pouvait se déguiser en agneau ! Et combien d’admirateurs tu pourrais égarer, si tu usais pleinement de tout ton prestige !

Mais n’en fais rien : je t’aime de telle sorte que, comme tu es à moi, à moi est ta réputation (12).

LXXXVI

Ce que les yeux du monde voient de toi, n’a rien que la pensée intime puisse réformer : toutes les langues, qui sont voix de l’âme, te rendent cet hommage, forcées à la vérité par l’aveu même de tes ennemis.

Ta personne extérieure est donc couronnée de la louange extérieure ; mais ces mêmes langues, qui t’accordent ainsi ce qui t’est dû, étouffent cet éloge sous des exclamations toutes différentes, quand la critique se porte au delà de ce qui s’offre aux yeux.

Le monde veut juger la beauté de ton âme, et, dans ses conjectures, il la mesure à tes actions ; alors, quelque favorables que te soient ses yeux, ses pensées malveillantes prêtent à ta fleur charmante l’odeur de la ronce nauséabonde.

Mais pourquoi son parfum n’est-il pas apprécié comme son éclat ? La raison, c’est qu’elle devient commune.


*

LXXXVII

Ah ! pourquoi mon bien-aimé vivrait-il avec la corrup-