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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/75

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SONNETS.

XXXIX

Tu as une figure de femme, peinte de la main même de la nature, ô toi, maître-maîtresse de ma passion (9) ! Tu as un tendre cœur de femme, mais ne connaissant pas l’humeur changeante à la mode chez ces trompeuses ;

Tu as des yeux plus brillants que les leurs, et moins faux dans leurs œillades, qui dorent l’objet sur lequel ils se fixent : homme, tu domines tout éclat de ton éclat suprême, ravissant les yeux des hommes, fascinant l’âme des femmes.

Tu fus d’abord créé pour être femme. Puis, quand la nature t’eut fait, elle raffola, et par une addition elle me dérouta de toi, en t’ajoutant une chose qui ne me sert de rien.

Mais, puisqu’elle t’a armé pour le plaisir des femmes, à moi ton amour, à elles les trésors de jouissances de ton amour !

XL

Mon œil s’est fait peintre et a fait resplendir la forme de ta beauté sur le tableau de mon cœur ; ma personne est le cadre qui l’enferme ; et c’est un chef-d’œuvre de perspective :

Car, habileté suprême, c’est dans le peintre même qu’il faut regarder pour trouver ton vivant portrait,