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Page:Simon - L'écrin disparu, 1927.djvu/19

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L’ÉCRIN DISPARU

ressources. Ils connurent alors des jours sombres, voisins de la misère.

Il fallut que la mère travaillât dur et que l’enfant, dont l’intelligence était remarquable, interrompît des études qui s’annonçaient brillantes et laissaient déjà entrevoir un avenir prospère, sinon glorieux. Le jeune Léo, en effet, en plus de la langue italienne apprise au foyer, maîtrisait parfaitement l’anglais et le français, avantages précieux qui lui seront d’un grand secours.

Devant la nécessité, il fallut songer au pain quotidien. L’influence d’un camarade de classe lui ouvrit les bureaux de la « Canadian Motors Limited » avec les appointements minimum d’un jeune débutant. Ses qualités natives heureusement, compensèrent en partie l’insuffisance de sa préparation professionnelle. Habile, sérieux et intelligent, le jeune employé donna complète satisfaction à ses chefs, et graduellement s’éleva aux positions comme aux salaires supérieurs.

À vingt ans, il eut le malheur de perdre sa pieuse mère. Désorienté par ces deuils successifs, Léo garda de ces épreuves et de cet isolement précoce, une sensibilité excessive et une défiance de la vie qu’il essayait de dissimuler sous une froideur plus apparente que réelle. Cette réserve, ce manque de spontanéité et d’expansion, ne lui ouvrait pas le chemin des cœurs ; il n’eut jamais de vrais amis. Chacun l’estimait : on ne l’aimait point.

Tant qu’avait vécu sa bonne mère, il avait fidèlement pratiqué sa religion. Livré trop tôt à lui-même, il suivit l’influence du courant. La plupart de ses compagnons de bureau, étaient ou protestants de religion, ou émancipés des pratiques catholiques. L’instruction religieuse trop rudimentaire qu’il avait reçue, ne put tenir longtemps devant les sophismes de l’incrédulité. Incapable de réfuter ses adversaires, il prit le parti du faible devant le fort : se taire ; cependant, son indifférence religieuse ne dégénéra jamais en hostilité ; si l’Église ne le vit plus que rarement, du moins il fréquentait ses ministres sans déplaisir, et avait gardé pour l’Aumônier de la pieuse et ancienne Chapelle de Notre-Dame de Pitié, un culte et des relations que le digne prêtre entretenait en vue du plus grand bien de son protégé.

Après cinq années de services à l’emploi de la « Canadian Motors Limited » Léo Giraldi devint chef de Section au bureau principal. Cette situation nouvelle, qui en lui donnant autorité sur nombre de subalternes, l’obligeait au coudoiement quotidien d’individualités différentes, assouplit son caractère, lui fit mieux comprendre les hommes. Sa défiance de lui-même s’atténua ; il