Aller au contenu

Page:Simon - L'écrin disparu, 1927.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
L’ÉCRIN DISPARU

perdu son temps et après deux jours d’enquête passés sur les lieux mêmes, il m’a discrètement fait appeler cette après-midi, à sa chambre de [’Hôtel Windsor, ayant par prudence quitté l’Hôtel Queen’s, afin d’éloigner jusqu’aux moindres soupçons.

Le grand mystère à découvrir, était celui-ci : comment l’écrin a-t-il disparu, et qui se l’est approprié ?

Or, en deux mots voici le fait : déposé en hâte et par inadvertance à côté de l’endroit même où je l’avais pris, il se trouvait à effleurer le bord supérieur du tiroir, de façon qu’au moment où mon père tira ce dernier, la boîte précieuse vint buter par le haut et tomba dans l’espace vide qui était au fond du meuble.

Eh mon Dieu ! s’écria le prêtre, c’est bien vraisemblable.

— Et vous devinez ce qui s’est passé : à la liquidation, celui qui a acheté cette table-bureau, a trouvé le précieux colis et l’a gardé sans rien dire. Il n’y avait peut-être plus que lui qui pensait à moi à ce moment-là.

— Et celui qui a fait cette acquisition… c’est ?…

— Ne vous arrêtez pas, Monsieur l’Aumônier, c’est bien celui qui vous pensez.

— Mais, je ne soupçonne personne.

— C’est celui que ce matin encore, je saluais du nom de « cher Maître ».

— LUI ?… mais vous n’y pensez pas ? Voyons, mais c’est impossible…

— C’est cependant la vérité… En examinant tant soit peu les choses, l’évidence crève les yeux, monsieur l’Aumônier.

Cette valeur qui tombait si opportunément pour ses essais, ses brevets, vous savez s’il la souhaitait depuis longtemps !… Non… non, impossible de nier : c’est si clair, vous voyez bien que vous pensez comme moi maintenant.

Vous devinez quel coup ce me fut, quand enfin mes yeux saisirent l’horrible vérité : mon sang ne fit qu’un tour et le mot « vengeance » jaillit de tout mon être crispé. — En hâte, je courus chez lui pour lui lancer à la face toute l’indignation de ma fureur et mon mépris. Il était absent.

Seule, Madeleine était à lire, tranquillement assise au salon. Il faut croire que les sentiments qui bouleversaient mon âme, avaient leur répercussion dans ma physionomie, car ma seule vue lui causa un effroi indicible… Quand, dans ses grands yeux étonnés, je lus l’angoissante et douloureuse surprise que je lui avais causée, ma colère fléchit. Songeant alors à la blessure inguérissable que je lui ferais, ainsi qu’à tous les êtres innocents qui l’entourent je ne pus tenir davantage et regagnai bien vite