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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/151

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veut ici dire ; elle se traduit fidèlement par impossibilité de sortir de la sphère où vous êtes placé, ou d’échapper au sort qui est fixé sur votre tête. « Faut-il aller à la guerre ? Courez-y sans crainte de la mort, car quand même vous seriez resté dans vos maisons, ceux dont le trépas était écrit là-haut seraient venus succomber à ce même endroit[1]. » « Vous trouvez-vous au combat ? Lancez hardiment la flèche ; ce n’est pas vous qui faites partir le trait, c’est Dieu ; ce n’est pas vous qui tuez l’ennemi, c’est Dieu[2]. « Êtes-vous dans l’erreur ? vous y demeurerez toujours, car Dieu ne dirige plus celui qu’il a une fois égaré[3]. »

Dieu partout, l’homme nulle part, voilà ce qu’est la résignation dans le Coran. A quoi bon alors donner des ailes à votre pensée pour vous procurer de nouvelles vérités ? A quoi bon vous fatiguer à la recherche d’inventions utiles ? Ce qui doit arriver arrivera, un peu plus ou un peu moins de science de votre part ne peut ni en hâter ni en arrêter la réalisation. L’immobilité est ce qui vous convient le mieux. Tout viendra en son temps sans que vous preniez la peine d’y concourir.

Mieux avisé que le Mahométisme, le Christianisme a su s’arrêter sur cette pente qui, de toute espèce de fatalisme, mène droit à la prostration morale, à l’inertie de l’esprit. Son dogme de la prédestination lui créait à cet égard les mêmes écueils que ceux sur lesquels l’Islamisme s’est échoué. Entre dire que l’homme va fatalement à sa fin, et dire qu’il est prédestiné à y aller par telle voie et non par telle autre, quelle différence y a-t-il ? Pour la doctrine chrétienne, il s’ajoutait même un écueil de plus : c’est la rupture qu’elle déclare exister entre l’homme et Dieu depuis le péché originel. Mahomet glisse là-dessus presque sans

  1. Coran, ch. III.
  2. Coran, ch. VIII.
  3. Coran, ch. X.