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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/209

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portes du palais des morts se fussent ouvertes devant lui, et qu’il eût pu voir ce qui se passe dans le domaine des trépassés ? »

Tout au contraire, l’amélioration prise au sens général, nous entendons l’amélioration de l’esprit comme celle du cœur, se produit en nous jusqu’à un certain point plus facilement à la suite du sentiment que nous acquérons des bornes posées à notre nature, qu’à la suite de la conscience que nous avons de la grandeur de notre capacité intellectuelle. On ne voudra, certes, pas contester à l’humilité son influence sur nous, et je ne sache pas que la gloire de Moïse ou la noblesse native de sa belle âme ait reçu une atteinte quelconque, du refus que lui a fait Dieu de se laisser apercevoir par lui d’une perception physique et matérielle, si toutefois on peut se servir de cette expression en parlant de l’Être incréé et incorporel. La parole des Saintes Écritures bien connue : « Nul homme ne me verra » aussi longtemps qu’il sera en vie sur cette terre[1] » n’a-t-elle pas toujours été plus féconde en leçons utiles qu’en conséquences pernicieuses ? Particulièrement, le mystère de la création et celui de la vie future ont en eux quelque chose qui agit sur nous bien plus profondément et plus énergiquement que ne le ferait la science certaine de ce que nous avons été avant notre existence et de ce que nous serons après que nous aurons cessé de vivre. Dans l’ignorance de ce double état, nous trouvons de quoi aiguillonner singulièrement les aspirations de notre âme. D’abord, elle fait que nous tendons toujours à nous rapprocher de Dieu, parce que nous n’aimons pas un seul instant à perdre de vue celui qui tient ainsi dans ses mains le double secret de notre origine et de notre fin. Puis, elle nous

  1. Exode, chap. XXXIII, v. 2.