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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/218

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n’était que pure fantaisie, que l’on a pris plaisir de s’y étendre avec une si visible exagération. On ne voudra certes pas faire aux Talmudistes l’injure de supposer un instant qu’ils aient ajouté foi à ce qu’ils savaient pertinemment n’avoir d’existence que dans leur imagination. Aussi, celui de tous les docteurs juifs qui a le mieux réussi à se pénétrer de l’esprit dans lequel ils ont tous écrit, Maimonide, affirme-t-il que « ces couronnes dont il vient d’être question, que ces sièges d’honneur, ces baldaquins, ces banquets et ces danses célestes, ces places réservées près du fleuve des parfums, toutes les jouissances enfin qui sont le partage du juste, ne sauraient être prises matériellement », et il ajoute : « Quoique l’imagination de plusieurs rabbins n’ait pas su se garder suffisamment des images sensuelles touchant la vie à venir, il n’en est pas néanmoins qui soit tombé dans le pur matérialisme[1] ». Ils avaient trop conscience de l’essence spiritualiste qui fait le fond de l’homme, pour transporter dans l’autre monde une matérialité de jouissance qu’ils condamnaient si énergiquement dans la vie présente. Peut-on effectivement supposer que les mêmes docteurs qui ont exalté comme ils ont fait l’attachement à la loi Thorah, en lui donnant pour conditions, selon les termes rustiques dont ils se servent : « de manger son pain trempé dans le sel, de boire même l’eau avec mesure, de coucher sur la dure », en un mot, de s’imposer un genre d’existence plein de sacrifices et de privations, aient, d’un autre côté, placé dans la vie future des plaisirs sensuels déjà déclarés par eux incompatibles avec le culte de la vérité ici-bas ? N’importe ! ils ont commis une grave faute de s’être ainsi laissé entraîner sur les ailes d’une imagination trop ardente dans une voie qui est loin

  1. Nombres, surtout à la page 94. L’ouvrage du Dr Brecher indique aussi les sources talmudiques d’où sont tirées toutes ces citations.