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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/274

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fidèles unissant en eux une pure crainte de Dieu aux convictions les plus intimes de l’éternité des peines et de l’influence de l’esprit malin, ce n’a pu être que par le fait d’une de ces inconséquences si naturelles au cœur humain qui proteste souvent intérieurement contre les erreurs de l’esprit auxquelles, par égarement, il est attaché comme à des vérités. Dans la doctrine juive, cette protestation même n’est pas à supposer. Ne croyant ni au diable ni à ses malignes influences, ni aux peines matérielles de l’enfer, ni à leur éternité, l’Israélite qui a la crainte de Dieu est sûrement pénétré de ce sentiment du respect, dont la terreur est plutôt de s’attirer la désapprobation de Dieu que sa colère et les châtiments qui en sont la suite. Ce noble sentiment, les Kabbalistes ont un jour réussi à le dénaturer et, aujourd’hui encore, il existe en Israël des traces des tristes ravages exercés par leur condamnable philosophie[1]. Mais nous avons déjà dit combien le judaïsme a, de tout temps, cherché à réagir contre les influences de cette production exotique nommée la Kabbale, et qui n’a rien ou fort peu de chose de l’exquis parfum qui s’exhale des pages éternellement fraîches de la Bible.

Une des plus proches conséquences de la véritable crainte de Dieu et qui sera la seule que nous relèverons ici, c’est le soin de ne jamais prononcer inutilement le nom de Dieu. On sait que le troisième des dix Commandements porte cette défense[2]. A peine le Pentateuque a-t-il affirmé Dieu, à peine l’a-t-il mis en relation avec le monde, qu’il tâche déjà de l’entourer d’une auréole propre à lui gagner la vénération des hommes, leur plus profond respect, un respect qui aille jusqu’à les empêcher de prononcer son nom en vain. Ce Dieu qui nous a tirés de

  1. Voir le livre de M. Auguste Vidal : Les moeurs juives en Alsace.
  2. Exode, chap. 20, v. 7.