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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/326

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Mais l’expérience est encore là pour attester que le corps, loin d’être un compagnon inutile, contribue puissamment à notre développement intellectuel et moral. Sans lui, l’âme pourrait-elle multiplier, étendre ses connaissances ? C’est un fait acquis que nos idées les plus élevées, celles surtout qui servent de principes à toute science, nous sont révélées par le monde extérieur. Ce n’est pas qu’il ait la puissance de les créer en nous. Nous les possédions à notre naissance. Notre âme les avait emportées en se détachant de son principe, comme la goutte d’eau emporte avec elle les qualités inhérentes au fleuve duquel elle se détache. Mais ces idées dormaient dans son sein. Il fallait qu’elles fussent réveillées, et pour cela il suffisait d’un contact avec le monde extérieur. Ainsi, par exemple, quoique l’idée de Dieu soit déposée en nous, il est certain cependant qu’elle n’atteindrait pas un haut degré de développement, si nos yeux n’étaient jamais frappés du spectacle des admirables harmonies de l’Univers. C’est parce que l’homme voit chaque jour se dérouler devant lui le tableau merveilleux des productions riches et infiniment variées du Créateur, qu’il est naturellement porté à attribuer à Dieu toutes sortes de perfections. Ainsi encore chez l’artiste et le poète, le sentiment du beau s’éveille et se développe au spectacle des beautés sans cesse renaissantes de la nature. Ce sont elles qui, après avoir charmé et ravi leur âme, leur font comprendre qu’il doit exister une beauté plus parfaite, plus achevée et dont celles de la nature ne sont que les pâles copies. Et alors, quels flots de lumières viennent les inonder ! Soudain, ils franchissent par la pensée tout l’espace qui les sépare de Dieu. Du fini, ils s’élèvent à l’infini, du réel à l’idéal, de l’image au type. Ils deviennent sublimes dans leurs propres créations. Ils s’immortalisent par leur génie.

Mais ne nous arrêtons pas plus longtemps à des considéra-