Aller au contenu

Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comprendre l’amour de la patrie ? Ce que le premier a fait pour l’Égypte et les deux derniers pour l’Espagne, personne ne l’ignore. On n’ignore pas davantage le bel acte de patriotisme accompli par Mardochée qui sauva Assuérus d’un assassinat comploté contre lui, ainsi que le dévouement sincère et inviolable avec lequel Daniel a servi Nabuchodonosor et trois de ses successeurs immédiats. Tant il est vrai, qu’à toute époque le Judaïsme a su inspirer à ses fidèles ce profond attachement que l’on doit au pays dans lequel on jouit du bénéfice de lois protectrices et sagement libérales.

En même temps que cet attachement, il a su aussi leur inspirer ces heureuses dispositions à l’obéissance et à la soumission envers le chef de l’État, qui inspire le respect pour ses décrets et ordonnances, comme pour les lois promulguées en son nom ou avec son approbation, et la vénération pour la manière dont s’exerce, avec son concours, la justice distributive. Parfaites ou non, les formes de gouvernement acceptées par le peuple ou établies par lui, toutes les applications d’une justice régulièrement instituée et fonctionnant sans corruption ni partialité, sont sacrées, inattaquables et inviolables dans la pensée du Judaïsme. « Craignez Dieu et le roi[1] », dit-il. « Chaque pays, affirme-t-il encore, est en droit de se régir par la législation qui lui convient le mieux[2]. » Une fois proclamée, cette législation s’impose à tous les citoyens, et personne n’ose y toucher. Qu’elle se perfectionne elle-même par la voie plus ou moins lente du progrès. Mais la pousser violemment en avant, c’est vouloir mettre ses propres vues à la place de celles du pouvoir public. Et contre ce pouvoir se renfermant toujours dans la légalité, il n’est pas plus permis de se révolter que

  1. Proverbes, chap. XXIV, v. 21.
  2. Talmud, traité Baba Kama, page 113.