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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/447

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Est-ce de Jésus que Paul a appris à s’exprimer ainsi, de Jésus qu’il n’a ni vu ni entendu parler ? Non certes, mais c’est la Bible qu’il copie, ce sont ses expressions mêmes qu’il transcrit, c’est la pure et belle morale de l’école de Gamaliel dont il se fait l’organe. Il fut longtemps juif et encore juif trop zélé, avant ce qu’il raconte lui être arrivé sur le chemin de Damas. Ce n’est pas la vision qu’il prétend avoir eue sur ce chemin fameux, qui lui a inoculé une morale nouvelle. Il n’a fait, après sa conversion, que traduire dans un langage nerveux et énergique les sentiments qu’il avait puisés, auprès d’un maître instruit et bon, comme l’ont été tous les enfants de la douce maison de Hillel.

Jésus, il faut même le dire, est resté au-dessous de Paul pour ce qui regarde l’extension à donner au mot prochain. Qu’on en juge par le passage bien connu de l’Évangile selon Luc[1], où l’on met en scène un docteur de la Loi discutant avec Jésus sur la signification de ce mot. Jésus, y raconte-t-on, après avoir entendu sortir de la bouche du docteur juif les deux célèbres principes bibliques : « Aime Dieu de tout ton cœur et ton prochain comme toi-même, » lui représente un homme qui descend de Jérusalem à Jéricho, apparemment un Hébreu, un Jérusalémite, lequel ayant été dépouillé et blessé de plusieurs coups par des brigands, fut laissé par eux à demi-mort sur la route. Devant ce malheureux, à ce que raconte Jésus, passèrent successivement un sacrificateur et un lévite sans prêter aucune attention à son état de souffrance. C’étaient des frères cependant et plus que des frères, un sacrificateur et un lévite, des hommes approchant les saints autels, des serviteurs du Dieu miséricordieux qui demeuraient ainsi inhumainement insensibles à la plus

  1. Chap. 10, v. 25 et suivants.