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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/98

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Dieu que la faculté de prévoir les événements futurs, et qu’elle l’éloigne du monde moral sans lui laisser aucune part dans la conduite des choses qui amènent progressivement le genre humain à la fin qui lui est assignée ? Pour le coup, nous aboutirions au déisme, et tout dans la Bible viendrait nous contredire. Il ne faudrait certes avoir aucune intelligence des Saintes Écritures, pour prétendre que Dieu se borne à la simple inspection de l’avenir, sans se soucier de le voir se mettre en harmonie avec ses desseins particuliers sur l’humanité, et qui furent, comme nous l’avons déjà dit, le but de la création. Au contraire, et c’est en cela justement que se montre toute sa grandeur de conception, le Judaïsme envisage Dieu comme concourant le plus activement et le plus immédiatement qu’il soit possible à l’accomplissement de notre destinée. Mais de quelle façon le fait-il ? Non pas, comme l’ont avancé Mahomet et Jésus, « en éclairant celui qu’il veut bien éclairer et en égarant celui qu’il veut égarer[1] », mais en aidant l’homme sérieusement attaché au devoir, à surmonter tous les obstacles qui pourraient se mettre au travers de sa route. L’enseignement israélite se trouve, sur ce point, clairement formulé : « Celui qui veut se purifier, trouve un appui en Dieu[2]. » « Dieu ne donne la sagesse qu’à celui qui a déjà commencé à l’acquérir par lui-même[3]. Il ne va pas jusqu’à inspirer à l’homme la crainte du ciel, l’amour du bien ; chacun se fait à cet égard sa vertu, son mérite propre. Dieu n’intervient que pour donner la facilité de la victoire à celui qui lutte courageusement et pour laisser tomber tout le poids de l’infortune sur celui qui manque d’énergie dans le combat contre le mal[4]. »

  1. Jean, chap. VI, v. 4 ; Coran, chap. XVI.
  2. Talmud, traité Schabbat, p. 104.
  3. Traité Berachoth, p. 55.
  4. Traité Berachoth, p. 33 avec commentaire de Raschi.