Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/20

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plus brillants toutefois dans les régions de l’industrie que dans les profondeurs de la métaphysique. Toute sa philosophie, développée dans la Théorie des sentiments moraux, repose sur l’observation des sentiments qui découlent de la sympathie et de l’antipathie, en vertu desquelles nous compatissons à certaines peines et nous nous associons à certains plaisirs, comme nous éprouvons de la répulsion pour certaines personnes et pour certaines choses. Selon l’auteur, les actions d’autrui seraient toujours le premier objet de nos perceptions morales. Les jugements que nous portons sur la moralité de notre propre conduite ne sont que des applications des jugements portés précédemment sur la conduite de nos semblables. Adam Smith suppose que nous ne pouvons pas nous empêcher de nous mettre à la place d’autrui, pour juger de ce que nous ferions ou de ce que nous faisons nous-mêmes dans des circonstances pareilles. Notre approbation morale est la conséquence de notre sympathie : mais cette sympathie, sur quoi repose-t-elle ? sur la sensibilité, qui est une affaire de tempérament, très-diverse chez les hommes et grandement sujette à l’erreur. Aussi le philosophe écossais est-il obligé de recourir au tribunal de la conscience pour rectifier les écarts ou les lenteurs de l’émotion sympathique, indispensable à consulter, selon lui, dans l’appréciation morale des actions humaines. La raison, cette puissance abstraite et jusqu’à ce jour mal définie, lui semble seule capable de préciser les règles générales qui sont l’expression exacte des décisions de la sympathie. Toutefois, Adam Smith ne saurait admettre que la raison soit la source unique de nos premières notions du juste et de l’injuste. Il se rejette, en désespoir de cause, dans l’utopie d’une bienveillance universelle qui relierait toutes les nations entre elles pour leur bonheur commun, et qui donnerait à la morale une base éternelle et incontestée.

Il faut laisser aux philosophes le soin de prononcer sur ces questions aussi anciennes que le monde, et qui seront encore longtemps débattues. Adam Smith leur a payé tribut, comme tous les grands esprits qui ont régné dans le domaine de la pensée, mais il ne les a point résolues. Il les poursuit une à une