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de la police de l’Europe, qui nulle part ne laisse les choses en pleine liberté.

Pour examiner particulièrement et ces circonstances, et cette police, je diviserai ce chapitre en deux sections.



Section I.
Des inégalités qui procèdent de la nature même des emplois.


Autant qu’il m’a été possible de l’observer, les circonstances principales qui suppléent à la modicité du gain pécuniaire dans quelques emplois, et contre-balancent sa supériorité dans d’autres, sont les cinq suivantes : 1o l’agrément ou le désagrément des emplois en eux-mêmes ; 2o la facilité ou le bon marché avec lequel on peut les apprendre, ou la difficulté et la dépense qu’ils exigent pour cela ; 3o l’occupation constante qu’ils procurent, ou les interruptions auxquelles ils sont exposés ; 4o le plus ou moins de confiance dont il faut que soient investis ceux qui les exercent ; 5o la probabilité ou improbabilité d’y réussir.

Premièrement, les salaires du travail varient suivant que l’emploi est aisé ou pénible, propre ou malpropre, honorable ou méprisé. Ainsi, dans la plupart des endroits, à prendre l’année en somme, un garçon tailleur gagne moins qu’un tisserand ; son ouvrage est plus facile[1]. Le tisserand gagne moins qu’un forgeron ; l’ouvrage du premier n’est pas toujours plus facile, mais il est beaucoup plus propre ; le forgeron, quoiqu’il soit un artisan, gagne rarement autant, en douze heures de temps qu’un charbonnier travaillant aux mines, qui n’est qu’un journalier[2], gagne en huit. Son ouvrage n’est pas tout à fait aussi malpropre ; il est moins dangereux, il ne se fait pas sous terre et loin de la clarté du jour. La considération entre pour beaucoup dans le salaire des professions honorables. Sous le rapport de la rétribution pécuniaire, tout bien considéré, elles sont, en général, trop peu payées, comme je le ferai voir bientôt[3]. La défaveur attachée à un état produit un effet contraire. Le

  1. Il s’est opéré de bien grands changements dans la condition relative des diverses classes d’ouvriers. Où trouverait-on aujourd’hui le salaire d’un tailleur inférieur à celui d’un malheureux tisserand ? A. B.
  2. Sur la différence entre le travail d’artisan et celui de manœuvre et journalier, voyez ci-après, p. 136.
  3. Voyez ci-après, même chapitre.